LA DÉPÊCHE DU MIDI / 11 février 2002
KINGS
L’OVNI, cet Objet Volontairement Non Identifiable
(…)
Pas nouveau mais pertinent, on y démonte, démontre, dénonce l’imbuvable manie de vouloir conférer une valeur marchande à tout et à chacun, même anodin, l’exposition publique permanente, la perte d’identité qui en résulte. Voilà pour le message, dont le seul choix pourrait bien être une première manifestation d’ironie ravageuse. Les moyens maintenant : danses variées, théâtres, happenings, photographies et projections, musiques, récitatifs, lectures, mouvements divers, apparitions inopinées d’un vigile avec son chien, d’un accessoiriste de rencontre, des artistes inoccupés, en attente de représentation ou rien du tout. Artistes ?à voir. Car dans ce patchwork aux allures de miroir brisé, chacun n’est montré que pour ce qu’il est, sous son identité réelle, avec ses disgrâces, ses talents et ses banalités, dans un jeu simultané de montre et de dérobade vis-à-vis du public, acteur nécessaire et non averti de son propre rôle.
(…) La salle écoute, soupire et rit, tout à son rôle de témoin, se laisse embobiner avec complaisance, doute (enfin) de la véracité de l’entracte, de la fin du show, de l’opportunité d’applaudir. Intelligent, déséquilibrant, sarcastique et jubilatoire, KINGS se fout-littéralement de la gueule du monde. Avec toutefois ce qu’il faut de compassion pour ne pas sombrer dans la vanité grincheuse des critiques convenues et faire de nous tous, pauvres quidams, des princes et des rois.
Jacques-Olivier BADIA