TÉLÉRAMA / 10 avril 2002
KINGS
Le corps de métier mis au pas … de danse.
Devant le Théâtre Paris-Villette, un homme en tenue de sport paramilitaire noire attend, un rottweiler muselé à ses pieds. Plan Vigipirate allégé ? L’attitude martiale et la solitude palpable de cet agent de sécurité apparemment désœuvré le nimbent d’un éclat dur. Quelques minutes plus tard, Patrice Pascouau, maître-chien professionnel, se pose tel quel sur le plateau du spectacle KINGS, de Michel Schweizer, dont il est un des prestataires, aux côtés d’un boxeur (Olivier Robert), d’un danseur (Lee Black), d’un imitateur de végétaux et d’œufs sur le plat (Patrick Robine, à tomber par terre !) … Il y détaille, comme sur un catalogue de vente par correspondance, son job multicarte avec une lucidité ironique. Il fait rire, il glace, il émeut tout à la fois. Façon ready-made à la Marcel Duchamp, sa présence sur scène, aussi froidement explosive qu’une bombe dégoupillée qui ne pète jamais, met sur un pied d’égalité tous les savoir-faire et fait accéder au statut spectaculaire un métier plutôt peu valorisé. Déplacer le front de l’art du côté social façon « vraie vie » : un refrain que nombre de créateurs, qu’ils soient plasticiens, metteurs en scène ou chorégraphes, reprennent sur tous les tons depuis quelques années.
Rosita Boisseau