LES INROCKUPTIBLES / 2 décembre 2013
CARTEL
Jean Guizerix, messager des étoiles
Avec “Cartel” présenté au Festival Novart, Michel Schweizer interroge la mémoire d’un corps, celui de l’ancien danseur étoile Jean Guizerix. Un hommage à la danse et à la transmission. “L’immobilité, c’est encore de la danse.” Jean Guizerix, élégance intemporelle, fait entendre cette sentence de Merce Cunningham. Sur le plateau à découvert du Cuvier d’Artigues où Cartel est donné sous l’égide de Novart, cet ancien danseur étoile du Ballet de l’Opéra de Paris plonge dans ses souvenirs. Une séance de travail avec Noureev, un studio à Manhattan où il rencontre le maître Cunningham. Et l’impression que ces expériences vont le nourrir à tout jamais, faire de lui ce qu’il est : un corps mémoire de la danse. Guizerix explique l’importance des mains pour comprendre le mouvement. A ses cotés, un jeune soliste, Romain Difazio, écoute ou copie dans un effet miroir. Jean Guizerix a tout connu; la gloire dorée sur tranche à l’Opéra, les créations contemporaines et la recherche. Son compagnon de route rêve peut-être de la même carrière : dans un final éblouissant, Difazio enchaîne les sauts et les tours sur une musique techno, parle de ces concours sans issue, des observateurs qui ne lui disent jamais tout à fait non. Mais pas vraiment oui.
On voit bien ce qui a pu fasciner un créateur comme Schweizer, adepte du documentaire-fiction mis en scène. Après des culturistes, des maîtres-chien ou des adolescents – le très beau Fauves –, il braque son regard sur les virtuoses de la danse classique. “Comment ces professionnels confirmés à la vie saturée par l’excellence d’un savoir-faire et ses croyances associés, sauront retrouver une marge de liberté dans une sorte d’élan testamentaire ?”, questionne Schweizer. Et d’inviter, non pas une gloire du passé, mais un homme libre.
(…)Cartel est un hommage à la danse d’une rare puissance. Et Jean Guizerix, notre idole pour toujours.
Philippe Noisette